A.6.  Les mesures de densité d’états dans la bande interdite

Les caractéristiques des bords de bandes et la densité d’états électroniques localisés situés dans la bande interdite peuvent être étudiées par plusieurs méthodes. Les deux premières, que nous allons exposées, sont basées sur la mesure du coefficient d’absorption a. En effet, tant que l’absorption des photons d’énergie hw est due principalement aux transition de porteurs d’énergie égale à celle des photons, a est proportionnel à la densité des porteurs ainsi excités et leur section de capture. Un schéma simplifié de la densité d’états est présenté sur la figure  A.7.


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FIG. A.7: Schéma simplifié de la densité d’états avec une transition d’un électron de la queue de bande de valence vers la bande de conduction.

Des photons d’énergie inférieure à celle de la largeur de la bande interdite peuvent exciter soit des électrons de la bande de valence vers des états localisés dans la queue de bande de conduction, soit des électrons des états de la queue de bande de valence vers la bande de conduction. Comme la densité d’états de la queue de bande de valence est supposée plus importante que celle de la queue de bande de conduction [54], cette dernière possibilité est plus probable et schématisée dans la figure  A.7 [30]. Ainsi le coefficient d’absorption a pour EC - EV > hw reproduit la densité d’états de la queue de bande de valence. Afin d’obtenir la densité d’états absolue, il est nécessaire d’effectuer des mesures supplémentaires, par exemple par la RPE12. Avec cette méthode, il est possible de déterminer la densité de spin qui est égale à la densité de liaisons pendantes dans notre matériau.

La dernière méthode décrite ici, la MPC13, nous servira à obtenir la densité d’états de près de la bande de conduction.

A.6.1.  Spectroscopie de déflexion photothermique (PDS)

On désigne par effet photothermique l’ensemble des phénomènes liés à la transformation en chaleur de la lumière absorbée par un système donné. La méthode PDS14 utilise l’effet mirage, c’est-à-dire la déflexion d’un faisceau lumineux par un milieu avec un gradient de l’indice de réfraction. Ce gradient s’établit lors d’une variation de température. Cette méthode a pu remplacer pendant les années quatre vingt la technique photoacoustique, une technique, qui a été longtemps utilisée et qui est sensible, outre les variations de la température, aussi à celles de la pression. Par contre sa sensibilité de détection est de plusieurs ordres de grandeurs plus petite que celle de la PDS [34].

Cette méthode, mise au point en 1980 par BOCCARA et al. [14] et étudiée théoriquement ainsi que expérimentalement par JACKSON et al. [52, 53], permet de déterminer l’absorption d’un corps qui est en contact avec un milieu fluide, dans lequel s’établit le gradient de température.

La figure  A.8 sur la page  322


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FIG. A.8: Montage de la mesure d’absorption par la déflexion photothermique (PDS). Les explications se trouvent dans le texte.

montre schématiquement le montage utilisé. Son fonctionnement s’explique comme suit : on éclaire un échantillon sous incidence normale avec un faisceau de lumière monochromatique. Ce faisceau est fourni par une lampe d’une puissance de 250 W. Son alimentation est stabilisée en courant pour minimiser les fluctuations d’intensité lumineuse. Une seule longueur d’onde est sélectionnée par la combinaison d’un monochromateur et d’un filtre passe-haut. Ce dernier sert à éliminer les ordres supérieurs de l’énergie hw ajustée au monochromateur. La modulation de l’intensité du faisceau par un modulateur mécanique de lumière avec une fréquence _O_ d’environ 10 Hz apporte une amélioration sensible de la précision expérimentale par rapport à un régime continu. En effet, les techniques de traitement du signal que sont la détection synchrone et le moyennage permettent de réduire considérablement le bruit. L’échantillon est placé dans une cuve en silice polie remplie d’un liquide transparent dans le domaine spectral considéré, et présentant une forte variation d’indice de réfraction avec la température. Dans notre cas une substance perfluoro FC-72 de ACROS (formule chimique de somme : C6F14) a été utilisée. La transformation de l’énergie lumineuse absorbée par l’échantillon en chaleur, entraînant un échauffement périodique de celui-ci, crée un gradient de température, et par conséquent un gradient d’indice de réfraction dans le fluide proche de la couche de silicium à étudier. Ce gradient dévie un faisceau LASER rasant la surface de l’échantillon (c’est l’effet mirage) de façon également périodique à la fréquence _O_. La déflexion est alors mesurée par une cellule photovoltaïque à quatre quadrants dont deux seulement sont utilisés.

Un programme prend en charge15 le contrôle du monochromateur et l’acquisition du signal de la détection synchrone. Après une calibration16 de ce signal on obtient une courbe S(hw) qui est proportionnelle à l’absorption de l’échantillon. Le coefficient d’absorption a peut être obtenu ensuite selon l’équation

                (           )
           1          S(hw)
a(hw) =  - d-.ln   1-  -S----
                        sat
(A.15)

avec le signal saturé Ssat pour de fortes énergies [25].

A.6.2.  Méthode du photo-courant constant (CPM)

Avec la méthode du « photo-courant constant » ou CPM17, il est possible de mesurer le coefficient d’absorption a, qui est lié directement à la densité d’états pour des énergies de photons en dessous de la largeur du « gap » [37]. Cette méthode utilise le fait que l’occupation d’un état n’est pas changé pendant l’illumination avec des photos d’énergie différentes, si le photo-courant reste constant. Afin de maintenir le photo-courant constant, l’intensité du flux de photons est variée. Dans des telles conditions, le photo-courant ne dépend que du nombre de photons incidents Nph et a. Ainsi on peut tracer l’allure du coefficient d’absorption spectral directement à partir de l’intensité d’illumination :
a  oc  Nph -1 .
(A.16)

Grâce à l’adaptation du résultat relatif à une mesure de a pour des énergies plus fortes par transmission (voir section  A.4.1), on peut calibrer la courbe.

A.6.3.  Mesures de photo-courant modulé (MPC 13)

Les mesures de photo-courant modulé ont été faites au LGEP18. De même que pour les mesures SSPC l’échantillon est mis sous tension, en même temps il est éclairé par des photo-diodes émettant à une longueur d’onde de 660 nm et le photo-courant est mesuré. Comme le nom de cette technique le dit, une partie du flux de photons est modulée à la fréquence w. Grâce à une combinaison d’un amplificateur de courant, un convertisseur courant/tension et une détection synchrone, le module de la composante alternative du photo-courant |Iac| ainsi que son déphasage f par rapport à l’excitation peuvent être déterminés. Avec le rapport  |I |
coascf on peut remonter à la densité d’états selon la méthode décrite en détail par LONGEAUD et KLEIDER [76]. En variant w (entre 12 Hz et 40 kHz) et la température19 T (entre 123 K et 363 K) il est possible de sonder la densité d’états à différentes énergies par rapport à celle de la bande de conduction selon la relation
EC -  Ewe = kT  ln(ne/w)
(A.17)

EC est l’énergie de la bande de conduction, Ewe l’énergie des électrons sondés à la fréquence w, et ne la fréquence caractéristique des états dans la bande interdite.

Il faudrait noter, que des valeurs absolues de la DOS20 peuvent être obtenus seulement en connaissance de la mobilité des électrons me ainsi que leur section de capture se, puisque le signal obtenu est sensible au quotient N(Ewe)se/me, N(Ewe) étant la DOS sondée à l’énergie Ewe. On suppose en général me = 10 cm2/Vs et s e = 4 × 10-15 cm2. La valeur pour N(E we) ainsi obtenue est appelée « MPC-DOS » [40].

En pratique, on effectue des mesures à plusieurs températures, pour obtenir plusieurs spectres de MPC-DOS. L’enveloppe supérieure peut être considérée représentative de la forme de la vraie DOS [21, 76].