3.2.  Cinétique de dépôt

La vitesse de dépôt est déterminée à partir de l’épaisseur d maximale3 de la couche et du temps de dépôt t. Les mesures d’épaisseur sont effectuées avec le « TALYSTEP », décrit dans l’annexe  A.1. En divisant d par t, on obtient la vitesse V d. Ceci sous-entend que la vitesse de croissance est constante durant tout le dépôt, ce qui a été vérifié par une série de dépôts de durées différentes. Un temps d’incubation est observé seulement pour des dépôts à très basses pressions de type UHVCVD4 [74].

3.2.1.  Le choix de gaz de dilution

Durant les premiers essais avec ce nouveau réacteur, l’hydrogène a été utilisé comme gaz de dilution injecté dans la partie basse du réacteur. Les vitesses de dépôt se situaient autour de 6 µm/h pour une pression totale de 100 mbar et une température de 550  du substrat sur la plaque en inox (figure  2.2). Après l’installation de la nouvelle plaque chauffante en graphite (figure  2.3), on a constaté une diminution importante de la vitesse tout en gardant les mêmes paramètres. Dans le tableau  3.1
TAB. 3.1: Vitesse de dépôt en µm/h à 550  pour plusieurs pressions totales. La vitesse avec la nouvelle plaque en graphite est seulement d’environ 10 % de la valeur constatée avec la plaque métallique.

10 mbar
25 mbar
50 mbar
100 mbar
inox & cuivre 0,48 2,1 3,8 5,7
graphite 0,17 0,24 0,3 0,41

sont inscrites les valeurs de la vitesse de dépôt à différentes pressions pour une température de 550 . Elles sont maintenant environ dix fois plus faible. Ceci peut s’expliquer par le fait de la déformation de la plaque en inox, qui non seulement a provoqué une dégradation du contact thermique entre les disques en cuivre et la surface en inox, mais aussi un préchauffage de l’hydrogène comme expliqué sur la page  53. De plus la conductivité thermique du graphite est 5 à 16 fois plus élevée que celle de l’inox (voir tableau  2.1), ce qui conduit à l’obtention d’un bloc de métal nettement plus chaud que le bloc en graphite pour une même température de substrat. Une vérification de la puissance injectée permet de consolider cette hypothèse : les courants dans les résistances coaxiales sont maintenant plus faibles. On se retrouve donc avec une température plus basse du gaz et ainsi une moindre efficacité des réactions chimiques en phase gazeuse (équations  1.2 et 1.3). Afin de retrouver des vitesses élevées de dépôt, l’hydrogène a été remplacé par de l’hélium, un choix qui est fait également par d’autres chercheurs.5 D’après les équations de réaction 1.2, 1.4 et 1.5 il est évident que la pression partielle d’H2 entre en jeu dans la cinétique de décomposition du SiH4. Cette influence peut être décrite par la loi classique de LANGMUIR-HINSHELWOOD
     -----krK1K2PSiH4-------
Vd = K1  + PH  + K1K2PSiH
             2             4
(3.3)

kr, K1 et K2 sont des constantes de réaction et d’équilibre [64]. PSiH4 et PH2 sont les pressions partielles de SiH4 et H2 respectivement. Puisque H2 est un produit de la pyrolyse de silane, une pression partielle plus élevée ralentit la décomposition en phase gazeuse.

L’équation  3.3 n’est pas applicable dans notre cas d’une manière exacte, en raison du grand nombre d’inconnues. Comme le mélange des gaz se fait dans le réacteur, les pressions partielles des deux gaz peuvent être très différent selon les endroits dans l’enceinte, de plus on ne connaît pas précisément les gradients de température. Néanmoins elle montre, que la concentration de H2 diminue la vitesse de croissance, ce qui est aussi rapporté par d’autres auteurs [16, 97].

L’augmentation de la vitesse par le changement de gaz diluant est illustrée dans la figure  3.2.


PIC
FIG. 3.2: Vitesses de dépôt en nm/min à 550 et 580  pour plusieurs pressions totales : avec l’hélium comme gaz diluant au lieu de H2 on augmente la vitesse de dépôt.

On peut remarquer, que la vitesse est exaltée surtout aux pressions élevées. Ceci est probablement dû à un effet supplémentaire, liant la vitesse de dépôt avec la pression de H2 : à des basses températures, la désorption de H2 peut devenir le facteur, qui limite la vitesse de croissance [6, 97]. Plus la pression est haute, plus cette désorption est empêchée.

3.2.2.  Influence de la température sur la vitesse de dépôt

Afin d’étudier l’influence de la température sur la vitesse de dépôt, on a réalisé des couches minces à 5 températures de substrat différentes, à savoir 540, 560, 580, 600 et 620 . À des températures plus élevées la probabilité de rupture des résistances chauffantes devient trop importante, à plus basse température les vitesses de dépôt s’approchent de celles déjà atteintes par la technique LPCVD.

Les vitesses de dépôt V d sont tracées en échelle logarithmique dans la figure  3.3


PIC
FIG. 3.3: Vitesses de dépôt en nm/min à plusieurs pressions totales P en fonction de la température du substrat.

en fonction de b = 1/kT avec la constante de BOLTZMANN k = 8,617 × 10-5 eV K-1 et la température absolue T. Avec des techniques CVD basées sur la décomposition thermique dans un réacteur à paroi chaude, par exemple la LPCVD du laboratoire GMV, où la température est homogène, la vitesse de dépôt V d suit souvent une loi exponentielle
              (     )
               --Ea-
Vd = Vd0 .exp   kT
(3.4)

en fonction de la température absolue T. La valeur de Ea est l’énergie d’activation apparente et on parle d’une réaction thermiquement activée.

Comme on peut le remarquer sur la figure  3.3, cette loi n’est pas respectée dans notre réacteur sur toute la gamme de température. Ceci peut s’expliquer par le fait, que la température n’est pas répartie d’une façon homogène. Notamment, la température notée T est celle du substrat ; la phase gazeuse, dont les réactions peuvent limiter la vitesse de dépôt, est plus froide. D’ailleurs, il existe une complexité de mécanismes qui sont intégrés avec leurs propres cinétiques dans la croissance de la couche :

Lorsqu’un processus, qui suit la loi d’ARRHÉNIUS  3.4, détermine principalement la vitesse de toute la chaîne des réactions dans un certain régime6, il est possible d’attribuer la valeur de l’énergie d’activation apparente à ce processus.

Nos courbes de la figure  3.3 ne montrent pas de tels régimes distincts. On constate cependant une augmentation décélérée de la vitesse de dépôt avec la température.

3.2.3.  Influence de la pression sur la vitesse de dépôt

En traçant les mêmes valeurs V d en fonction de la pression, on obtient les courbes de la figure  3.4
PIC
FIG. 3.4: Vitesses de dépôt en nm/min à plusieurs températures de substrat T en fonction de la pression totale P.

pour les cinq séries de dépôt à différentes températures. On peut observer une exaltation importante de la vitesse de dépôt avec une pression totale croissante. Cette augmentation est d’autant plus forte, que la température est élevée et suit assez bien la loi de LANGMUIR-HINSHELWOOD  3.3, comme c’est en général le cas pour la LPCVD [27]. À des pressions élevées au dessus de 400 mbar, une saturation et même une atténuation de la vitesse de croissance pour les séries à 540 et 560  sont observées. Un tel comportement peut être également supposé pour les séries à plus haute température. On constate par ailleurs une limitation de la pression lorsque la température augmente. Cette limitation est imposée par le phénomène de pulvérulence qui se manifeste aux grandes vitesses [27, 28].

3.2.4.  Discussion et interprétation

La forte décélération de l’augmentation de V d à température et pression croissante peut être expliquée en termes de régime de diffusion et de régime de réactions. En effet, les réactions en surface et en phase gazeuse montrent une forte dépendance de la température, ce qui ce traduit par une forte augmentation de V d. Pour la désorption de l’hydrogène de la surface de silicium par exemple, des énergies d’activation de 2,1 eV à 2,3 eV sont rapportées [6, 97]. La décomposition du silane (réaction  1.2) présente également une activation de l’ordre de 2,3 eV pour Td autour de 550  [17]. Nous observons des énergies d’activation encore plus élevées, surtout pour des faibles températures de substrat, ce qui peut être expliqué par la basse température de la phase gazeuse : en effet, en dessous de 500 , le silane ne se décompose quasiment pas [42].

Pour les pressions très élevées, la vitesse de dépôt est gouvernée par le régime de diffusion à travers l’activation thermique du coefficient de diffusion des espèces en phase gazeuse, qui est relativement faible. La saturation de V d en fonction de la pression confirme cette hypothèse. D’autres auteurs ont rapporté des augmentations de V d également très faibles, pour des températures autour de 600  et des pressions de l’ordre d’1 mbar [44, 97].