3.7.  Optimisation du matériau

Plusieurs facteurs rentrent en jeu quant à la qualité cristalline et électrique du Si-poly. Dans notre cas il s’agit particulièrement de la taille des grains et de la densité des défauts. Cette dernière a essentiellement pour cause des impuretés comme l’oxygène ainsi que les imperfection du réseau cristallin. Nous avons essayé par plusieurs méthodes de parvenir ces problèmes.

3.7.1.  Réduction des impuretés

D’une part, nous avons observé, que —après cristallisation par SPC— notre matériau montrait une qualité cristalline proche voir même meilleure que celle des couches traditionnelles déposées par LPCVD, selon les spectres RAMAN. D’autre part, les propriétés électriques, comme la mobilité et la longueur de diffusion ambipolaire, sont nettement inférieures. Cette mauvaise qualité électrique est due en partie à la présence d’impuretés. Deux sources d’impuretés sont à considérer dans le cas de notre dépôt :
  1. les parois du réacteur en inox représentent une source de fer et nickel, ainsi que de l’oxygène adsorbé ;
  2. le substrat de verre, contenant de fortes concentrations d’oxydes de silicium, baryum, calcium, aluminium et autres, est chauffé à haute température pendant le dépôt. STÖGER et al. [121] ont montré que spécialement le verre 1737 de chez CORNING, que nous utilisons, provoque des taux élevés d’oxygène et de baryum dans les couches déposées par CVD thermique jusqu’à une profondeur de plusieurs centaines de nanomètres.

La quantité d’oxygène dans nos couches a été mesurée par la méthode SIMS26, expliquée dans l’annexe  A.3. Elle est de 1,2 %o  , égale à la quantité trouvée dans les couches déposées par LPCVD.

Dépôt d’un oxyde de silicium par APCVD
Les impuretés venant du verre peuvent être réduites en intercalant une couche barrière entre le substrat et la couche de silicium. Des études de cristallisation par LASER ont montré, qu’une couche de SiO2 déposée par APCVD27 constitue une barrière efficace [48]. Le tableau  3.6
TAB. 3.6: Mobilité HALL mH, photo-conductivité sp, produit mt et longueur de diffusion Ld des porteurs dans le silicium sans et avec couche barrière de SiO2.

mH (cm2/Vs) s p (S/cm)a mt (cm2/V) L d (nm)
sans SiO2 11 9,6 × 10-7 1,2 × 10-6 190
avec SiO2 29 2,1 × 10-5 1,8 × 10-5 270
aÉclairage avec 100 mW/cm2 par une lampe d’halogène.

montre l’amélioration des propriétés électriques de nos couches après le dépôt d’une couche SiO2 de 250 nm. Comme le produit mt, a augmenté plus que la mobilité HALL28 mH, nous pouvons conclure, que la durée de vie des porteurs créés par la lumière, a augmenté également. Ceci nous indique une diminution du taux de recombinaison, qui est une conséquence directe de la diminution d’impuretés. Dans la suite de nos travaux, nous avons déposé systématiquement une couche d’oxyde par APCVD avant le dépôt de silicium. Cette suite concernera concerne les autres essais d’optimisation, dont la présentation va suivre, ainsi que toutes les couches dopées, dont on parlera dans le prochain chapitre et les diodes pin dans le chapitre  5.
Dégazage prolongé
Contrairement aux réacteurs LPCVD du laboratoire GMV, nous ne disposons pas de sas. Avant chaque dépôt, toutes les parois intérieures, ainsi que la plaque chauffante sont contaminées par la mise en l’air. En général nous avons effectué un dégazage d’environ vingt heures avant chaque dépôt. Afin d’évaluer l’impact de cette contamination, nous avons effectué un dégazage prolongé de quatre jours pour un dépôt et mesuré la mobilité HALL ainsi que la photo-conductivité. Le tableau  3.7
TAB. 3.7: Impact d’un dégazage prolongé sur la mobilité et la photo-conductivité.

dégazage pendant 1 joura dégazage pendant 4 jours
mH (cm2/Vs) 29 60
sp (S/cm)b 2,1 × 10-5 6,8 × 10-5
acondition habituelle bÉclairage avec 100 mW/cm2 par une lampe d’halogène.

compare ces valeurs avec celles d’un échantillon déposé après la procédure habituelle de dégazage. Nous avons donc pu doubler la mobilité des porteurs, ainsi que triplé la photo-conductivité. Comme la dernière est fortement liée au produit mt —en effet, ce produit est proportionnel à la photo-conductivité pour une seule longueur d’onde—, on peut conclure de la même manière que précédemment, que le taux de recombinaison a baissé.

3.7.2.  Recuit thermique à haute température

On sait, que les dislocations jouent un grand rôle dans la cristallisation à basse température, c’est-à-dire en dessous d’environ 800  par SPC. Elles persistent dans les grains et y représentent la majorité des défauts [120]. À partir d’environ 800–850  une réorganisation de ces dislocations a lieu. Il est observé, qu’elles diffusent vers les joints de grain pour y disparaître. Les joints de grains par contre ne se déplacent pas dans cette zone de température [41, 120].29

Le nombre de défauts dans les grains obtenus par cristallisation SPC à basse température peut être ainsi diminué par un recuit supplémentaire à plus haute température. La tenue du verre impose cependant une température et une durée de recuit limitées. Ces limitations peuvent être efficacement assurées par un dispositif de recuit thermique rapide dit RTA30. Malheureusement on ne disposait pas d’un montage RTA, comme décrit sur la page 33. Néanmoins nous voulions évaluer l’impact d’un recuit à des températures au dessus de 800  sur nos couches. Ceci a été réalisé dans nos fours tubulaires en quartz chauffés électriquement de l’extérieur, tout en tolérant la déformation du substrat.

Dans le cadre de son DEA, Hicham El Din KOTB a trouvé des paramètres pour un tel recuit avec des couches LPCVD, qui présentent un compromis acceptable par rapport à la déformation du verre et l’amélioration des propriétés électriques, à savoir 15 minutes à 850  [63]. La figure  3.27


PIC
FIG. 3.27: Trois spectres RAMAN pour respectivement un échantillon recuit par SPC à 570 , un autre recuit par notre « pseudo-RTA » et un troisième, recuit par SPC et successivement par « RTA ».

montre des spectres RAMAN de trois échantillons cristallisés par SPC à 570 , par SPC à 850  (« RTA »31) et par SPC à 570  suivi d’un « RTA ». Le premier spectre SPC montre un maximum à 519 cm-1, comme précédemment vu. Les deux derniers, « RTA » et SPC & « RTA », présentent un maximum à 521 cm-1, à la même position que celui du Si-mono ; ce qui indique un stress nul selon l’équation  3.7. Nous avons considéré deux sources possibles de cette annulation des contraintes :
  1. une transformation de la couche de silicium ;
  2. la déformation du verre.

Afin de pouvoir les distinguer, nous avons effectué la même expérience avec deux couches de silicium déposées sur du quartz : une recuite par SPC et une deuxième recuite en plus par notre « RTA ». En supposant que le quartz ne se déforme pas à cette température, nous pouvons ainsi exclure la deuxième source. Les spectres RAMAN indiquent un stress résiduel de 350 MPa après « RTA », tandis que la couche recuite uniquement par SPC révèle un stress de 625 MPa. C’est donc la déformation du verre, qui est principalement responsable pour l’annulation du stress. Cependant, le recuit rapide contribue à la diminution du stress (625 MPa à 350 MPa).

Nous avons également évalué les valeurs de la FWHM 17 (G) des trois courbes RAMAN : nous trouvons G = 4,55 cm-1 pour l’échantillon recuit par SPC et une valeur similaire, G = 4,59 cm-1, pour la couche uniquement recuite par « RTA » (courbe rouge). Seul l’échantillon recuit par SPC à 570  suivi d’un « RTA » (courbe verte) montre une forte diminution de la valeur FWHM : G = 3,72 cm-1. Ceci correspond bien aux expériences d’autres auteurs, qui ont constaté des grains plus larges à basse température de recuit [46].

Les mesures électriques confirment cette amélioration de la qualité cristalline, comme le montre le tableau  3.8.


TAB. 3.8: Impact d’un recuit « RTA » sur la mobilité et la photo-conductivité.

sans RTA avec RTA
mH (cm2/Vs) 29 63
sp (S/cm)a 2,1 × 10-5 1,1 × 10-4
aÉclairage avec 100 mW/cm2 par une lampe d’halogène.

Une forte augmentation de la photo-conductivité ainsi que de la mobilité des porteurs peuvent être observées. Nous allons également voir dans le chapitre  5, qu’un tel recuit s’avère très bénéfique pour les performances d’une diode pin. À cause du succès d’un tel recuit, nous sommes en train d’intégrer un montage RTA par lampes halogènes dans le réacteur SAPCVD. Ce projet est brièvement présenté dans l’annexe  C.

3.7.3.  Induction de cristallisation par un dépôt de nickel

Comme nous avons vu sur la page  35, on peut obtenir des grains très larges grâce à une cristallisation latérale induite par des métaux (MILC32). Cette méthode est surtout étudiée pour la fabrication des TCM33 où le nickel par exemple induit la cristallisation du côté du canal. Le front de cristallisation traverse ainsi latéralement tout le canal sur plusieurs micromètres, en produisant des grains de la même longueur. Cette méthode n’apparaît pas très adaptée pour des cellules solaire auxquelles nous nous intéressons, puisque leur surface est bien plus grande que le canal d’un TCM. Par ailleurs, le nickel étant un grand polluant, il est important d’en introduire une très faible quantité dans la couche pendant la MIC34.

Notre idée a été, d’utiliser le nickel uniquement pour contrôler la nucléation. Nous avons donc essayé de déposer une quantité de nickel très faible par évaporation thermique sur notre couche de a-Si, afin d’obtenir des centres de nucléation bien distincts, espacés de plusieurs micromètres. La micrographie MEB 12 présentée dans la figure  3.28a


   ------                            ------
(a)       10µm                    (b)       200 µm

FIG. 3.28: Micrographie MEB d’une couche partiellement cristallisée par MIC (a) et photo de microscopie optique de la même couche complètement cristallisée (b).

montre une cristallisation démarrant de points dispersés sur la surface. Cet échantillon a été recuit à 500  pendant 14 heures après le dépôt de nickel. Plusieurs ilôts cristallins dans une matrice amorphe sont visible. Ils sont espacés d’environ 15 µm les uns par rapport aux autres.

Nous avons cristallisé d’autres échantillons complètement par un recuit de quelques heures à 500  et ensuite pendant 24 heures à 570 , afin d’accélérer la cristallisation. La figure  3.28b montre une photo de microscope optique d’un tel échantillon après une attaque par la solution de SECCO comme décrit sur la page  133. On peut observer une structure régulière ressemblant à un nid d’abeilles. Nous supposons, que cette structure est composée de grains de plus de 10 µm. Par mesure d’effet HALL nous avons déterminé une mobilité de 75 cm2/Vs, ce qui confirme nos observations microscopiques.35

3.7.4.  Conclusion

Dans cette dernière partie du chapitre nous avons montré, qu’il est possible d’améliorer les propriétés du Si-poly considérablement par d’autres méthodes que seul le recuit classique SPC. En particulier, on peut constater qu’un recuit de type RTA est surtout bénéfique, lorsqu’il suit un recuit primaire à basse température et qu’une cristallisation induite par le nickel en petite quantité peut provoquer des grands grains. Malheureusement, il est difficile par notre technique d’évaporation thermique, de contrôler la quantité de nickel. Les résultats présentés ne sont pas faciles à reproduire.