3.6.  Analyse des couches cristallisées

3.6.1.  Mesures de diffraction RAMAN

D’après des mesures de diffraction RAMAN, expliquées en détail dans l’annexe  A.4.2, nos couches ne contiennent plus de phase amorphe14 après la cristallisation en phase solide, puisque le pic à un nombre d’ondes de 480 cm-1, encore visible pour des couches partiellement cristallisées (figure  3.8), n’apparaît plus. Comme on peut le voir sur la figure  3.17 ;
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FIG. 3.17: Spectre de RAMAN typique d’une couche déposée par SAPCVD et cristallisée par SPC. En comparaison le spectre correspondant du Si-mono est tracé en tirets.

le pic cristallin autour de 521 cm-1 est le seul observé, bien que toujours décalé d’environ 2 cm-1 vers des longueurs d’onde plus grande par rapport au silicium mono-cristallin. Ce décalage Dw révèle un stress s, qui y est proportionnel [92] :
s =  - 250MPa  cm  .Dw   .
(3.7)

Avec Dw = -2 cm-1 on obtient donc des contraintes positives15 de 500 MPa, provenant de la densité du silicium cristallin qui est plus faible que celle du silicium amorphe. D’autres auteurs, qui déposent le Si-poly directement, rapportent des stress compressifs autour de -200 MPa [86].

La variation du stress en fonction des conditions de dépôt est représenté sur la figure  3.18 :


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FIG. 3.18: Contrainte s tirée de l’équation  3.7 en fonction de la pression totale P pour plusieurs températures de dépôt Td.

on constate une diminution du stress vers les hautes pressions, où il se stabilise. En faisant une approximation du spectre avec la fonction de LORENTZ16
         2A        G
y = y0 + ------------2----2
          p 4(x - xc)  + G
(3.8)

avec la ligne de base y0, l’intégrale A de la courbe et le centre xc, on obtient facilement la largeur à mi-hauteur de la raie G ou FWHM17. Cette valeur G est caractéristique de la qualité cristalline de notre matériau. Pour notre échantillon de référence mono-cristallin G = 2,88 cm-1. Les FWHM de nos couches sont présentés sur la figure  3.19.


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FIG. 3.19: Largeur à mi-hauteur G du pic RAMAN en fonction de la pression totale P pour plusieurs températures de dépôt Td.

La plus grande largeur du pic, par rapport au silicium mono-cristallin est due aux défauts cristallins et la distribution non uniforme du stress [87]. On observe la meilleure qualité cristalline pour des pressions comprises entre 200 et 400 mbar. Des valeurs G proche de 4,2 cm-1, c’est-à-dire environ 1,4 fois la FWHM de Si-mono, sont assez encourageantes, vu les FWHM des couches classiques de notre laboratoire déposé par LPCVD d’environ 5 cm-1. Dans la section  3.6.2 nous verrons la corrélation entre ces résultats structuraux et les propriétés électriques.

3.6.2.  Propriétés optiques et électriques

Le coefficient d’absorption
Dans l’objectif de s’approcher le plus possible aux propriétés du Si-mono, le coefficient d’absorption a nous intéresse pour évaluer la cristallinité du matériau. En effet, comme le silicium amorphe, dont les joints de grain consiste, absorbe plus que le silicium cristallin, le Si-poly montre une absorption légèrement plus élevée que le Si-mono ; autrement dit, a est corrélé avec le volume des joints de grains [54]. Par ailleurs, nous aurons besoin de connaître le coefficient d’absorption pour certaines longueurs d’onde pour calculer le produit mt (voir page  161).

Le coefficient d’absorption a a été déterminé par la méthode proposée par SWANEPOEL [123], expliquée dans l’annexe  A.4.1. La figure  3.20


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FIG. 3.20: Coefficient d’absorption a en fonction de l’énergie de la lumière pour une série de dépôts à Td = 580 . En comparaison, a(Ephoton) du Si-mono [133] est également tracé.

compare les courbes de a(Ephoton) pour des échantillons déposés à 580  à plusieurs pressions de dépôt P avec la courbe correspondante du silicium mono-cristallin. En définissant l’énergie E5 comme l’énergie où a = 5 × 104 cm-1 —une valeur arbitraire servant à comparer aisément l’absorption de plusieurs échantillons— on obtient les courbes de la figure  3.21.
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FIG. 3.21: Valeurs E5 (voir texte) pour plusieurs conditions de dépôt. En comparaison, la valeur correspondante du Si-mono (3 eV) est également indiquée (*). Le graphe inséré montre les valeurs obtenues pour des couches LPCVD par King KIS-SION [89] (#) et plus récemment par Régis ROGEL [105] (®).

Il existe une tendance vers le Si-mono pour des pressions croissantes. Ce résultat a été déjà observé pour les couches déposées par LPCVD au GMV (graphe inséré). Nous pouvons donc confirmer les résultats obtenus en section  3.6.1, qu’une pression de dépôt au dessus de 400 mbar améliore la qualité cristalline.
Le produit de la mobilité et la durée de vie
Une caractéristique importante de l’effet photo-conducteur est le produit mt. Ce produit a été déterminé pour toutes les couches selon la méthode décrite en annexe  A.5.3. La figure  3.22
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FIG. 3.22: Produit mt pour plusieurs conditions de dépôt.

représente l’évolution de cette valeur pour des conditions de dépôt variables. Comme prévu, on constate pour des vitesses de dépôt importantes, que les valeurs de mt associées sont grandes. D’autre part, pour Td = 540  ou Td = 560 , on constate une saturation de la valeur mt à haute pression autour de 10-5 cm2/V. Les meilleurs résultats obtenus récemment par la technique LPCVD sont de 3,5 × 10-7 cm2/V pour le dépôt à partir du silane et 10-6 cm2/V pour le disilane [105].

La longueur d’onde c utilisée18 était de 660 nm et le flux de photons de y = 1014 s-1cm-2. Des erreurs de mesures peuvent provenir des sources suivantes :

  1. comme la longueur d’onde utilisée pour la mesure est du même ordre de grandeur que l’épaisseur d de la couche, il peut y exister des interférences positives ou négatives selon le rapport 4nd
-c- (n étant l’indice de réfraction), qui est un nombre entier impair pour une absorption maximale ;
  2. la face arrière est collée avec une laque d’argent sur le porte-substrat, la partie de la lumière retransmise par réflexion vers la couche reste donc une grandeur inconnue.

Néanmoins, les allures présentées dans la figure  3.22 confirmes les tendances déjà constatées précédemment.

Mesures de longueur de diffusion des porteurs minoritaires par SSPG19
Puisque pour la conversion photovoltaïque par des diodes pin la longueur de diffusion des porteurs minoritaires20 joue un rôle primordial, des mesures par la méthode SSPG ont été effectuées comme décrit en détail dans l’annexe  A.5.5. Les résultats sont présentés dans la figure  3.23 :
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FIG. 3.23: Longueur de diffusion ambipolaire déterminée par la méthode SSPG.

on constate que la longueur de diffusion Ld atteint un maximum à une pression de dépôt de 400 mbar. Par rapport à la température de dépôt, il parait préférable de déposer les couches à basse température, ce qui engendre malheureusement une plus faible vitesse de croissance. Contrairement aux valeurs pour mt, les meilleures résultats sont obtenus pour les dépôts LPCVD : une longueur de diffusion de 230 nm est atteintes pour un dépôt à partir du silane et 300 nm pour un dépôt à partir du disilane. Nous allons essayer de corréler ces différences dans la section suivante dans le contexte de structure de queues de bandes.
Densité d’états dans le gap (DOS21)
La figure  3.24
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FIG. 3.24: Coefficient d’absorption a déterminé par PDS.

montre le coefficient d’absorption déterminé par la méthode PDS22 pour de faibles énergies. Les valeurs faibles de a ne sont pas accessible par des mesures de transmission. Cette méthode est décrite en détail en annexe  A.6.1. Comme l’absorption de nos échantillons était trop faible pour des valeurs d’énergie des photons inférieures à 1 eV, le signal est devenu trop faible par rapport au bruit. Néanmoins, pour le bord inférieur du gap on constate, qu’il n’existe pas de différence significative entre les trois échantillons, déposés dans des conditions différentes. Pour une détection plus sensible de densité d’états dans la moitié inférieure du gap, un échantillon SAPCVD a été envoyé à l’ESSTT23 pour des mesures par CPM24, décrit en annexe  A.6.2. Par cette même méthode une couche déposée par LPCVD a été également analysée, afin de comparer les deux techniques de dépôt. La figure  3.25
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FIG. 3.25: Coefficient d’absorption a déterminé par CPM.

présente ces deux résultats : l’ordre de grandeur de densité d’états reste le même pour les deux échantillons, mais la densité dans la couche LPCVD est plus faible. La pente de sa queue de bande est aussi plus faible. Afin de déterminer la densité d’états dans la partie supérieure du gap, des mesures MPC25 ont été effectuées. Cette méthode est décrite dans l’annexe  A.6.3. Un échantillon SAPCVD et un LPCVD ont été analysés. La figure  3.26
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FIG. 3.26: Densité d’états (DOS), mesurée par la méthode MPC : les courbes tracées en noir représentent les résultats pour un échantillon SAPCVD et celles tracées en bleu ceux pour un échantillon LPCVD.

montre les différences entre ces deux couches : contrairement à la densité d’états près de la bande de valence, celle dans la partie supérieure du gap semble plus faible que pour les couches déposées par LPCVD.

3.6.3.  Conclusion

Dans cette partie du travail, nous avons vu, que le meilleures propriétés —électriques comme structurales— du Si-poly déposé par SAPCVD sont obtenues à des pressions au dessus de 400 mbar et des températures de substrat entre 540  et 560 . En considérant également la vitesse de dépôt et son homogénéité, une température de 560  apparaît plus favorable que 540 . Également du fait d’une plus faible homogénéité à haute pression et par ailleurs le phénomène de pulvérulence une pression de 400 mbar semble un bon compromis. Ce jeu de paramètres sera utilisé donc en préférence pour nos dépôts non intentionnellement dopés, tant que une bonne qualité cristalline est exigée.

L’influence des paramètres de dépôt sur les propriétés du matériau cristallisé peut être interprétée en considérant les fortes variations du taux de nucléation constatées dans la section  3.5.3 : la taille de grain étant plus importante, lorsque la densité de germes à l’interface est petite, on peut donc s’attendre à une meilleure qualité cristalline.

Par ailleurs, nous avons comparé nos résultats avec ceux des dépôts par LPCVD et il s’avère que notre produit mt est nettement plus élevé que celui de LPCVD. La longueur de diffusion Ld par contre reste plus faible pour toute la gamme de conditions de dépôt. Cette différence pourrait être liée aux différentes structures de densité d’états dans le gap comme il était observé par des mesures de CPM et MPC.